Dans le cadre d’un programme de culture forestière durable, un bûcheron abat un arbre dans la forêt tropicale de Ndoki, en République démocratique du Congo : le ralentissement de la déforestation est une priorité importante en Afrique. Photo: Redux / REA / Gilles Rolle
Dans la perspective de la Conférence des Nations Unies sur le développement durable qui se tiendra à Rio en juin prochain, les chefs d'État et ministres africains se sont réunis pour coordonner leurs stratégies et tenter de trouver un consensus sur le développement durable. Les domaines d'intervention prioritaires du continent — dont certains sont évoqués ci-après — soulignent à la fois les défis que l'Afrique doit relever et les progrès réalisés à ce jour.
La productivité agricole et la sécurité alimentaire
Augmentation de la productivité agricole
Alors même que l'agriculture emploie 60 % de la main-d’œuvre africaine, les trois cinquièmes des agriculteurs pratiquent encore une agriculture de subsistance. Les efforts mis en œuvre par de nombreux pays africains pour améliorer la production agricole n’ont pas suffi à garantir leur sécurité alimentaire. L'agriculture de l’Afrique dépend toujours des pluies, ce qui la rend vulnérable aux conditions météorologiques, notamment celles provoquées par les changements climatiques. L'insécurité alimentaire du continent a été aggravée par la menace d'une augmentation des prix alimentaires, due à la hausse des revenus dans des pays comme la Chine, l'Inde ou le Brésil, à l'utilisation accrue des terres pour la production de biocarburants et aux subventions des pays riches à leurs propres agriculteurs. Aux yeux des dirigeants africains, il faut que le monde développé aide davantage à améliorer la productivité agricole et la sécurité alimentaire du continent. Ces dirigeants se sont eux-mêmes engagés, au sein du Programme détaillé pour le développement de l’agriculture africaine (PDDAA) adopté en juillet 2003 dans le cadre du Nouveau Partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD), à allouer au moins 10 % de leurs budgets nationaux à l'agriculture. Ils se sont aussi donné pour objectif de stimuler la croissance de la production agricole pour qu'elle atteigne au moins 6 % par an en moyenne. Dans des pays comme la Sierra Leone, l'augmentation du budget consacré à l'agriculture a permis d'améliorer la productivité.
Le développement industriel
Des mesures visant à promouvoir l'industrialisation
L'industrie du continent — industrie manufacturière, mines et bâtiment — n’est pas très développée. Ces secteurs n'emploient actuellement que 15 % de la main-d’œuvre africaine et la part de l’industrie manufacturière dans les exportations du continent a baissé, passant de 43 % en 2000 à 39 % en 2008. Les secteurs de production à forte demande de main-d’œuvre comme le textile, les métaux de transformation, le vêtement et le cuir ont reculé, passant de 23 % du total de la production manufacturière en 2000 à 20 % en 2009. En février 2008, les dirigeants africains ont adopté un Plan d'action pour le développement industriel accéléré de l'Afrique. Des pays comme l'Afrique du Sud, l'Egypte, le Maroc et la Tunisie ont connu des améliorations.
L’eau
Assurer l'accès à l'eau potable
L'Afrique est touchée par la sécheresse. C’est le deuxième continent le plus sec derrière l'Australie. Quelque 340 millions d'Africains n'ont pas accès à l'eau potable, soit 40 % du nombre mondial de personnes se trouvant dans cette situation. On estime que seuls 26 des 54 pays africains réussiront à remplir l’objectif du Millénaire pour le développement (OMD) visant à réduire de moitié le pourcentage de la population qui n'a pas accès à l'eau potable en 2015. L'un des problèmes du continent est lié à l'inégalité de la distribution de l'eau : 48 % des ressources en eau se trouvent en Afrique centrale et seulement 1,25 % en Afrique du Nord. Les infrastructures de distribution d'eau potable sont aussi inégalement réparties : 90 % de la population d’Afrique du Nord ont accès à l'eau potable, contre seulement 61 % en Afrique subsaharienne. La Gambie et le Cap-Vert font exception, avec un taux de 80 %. Selon le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE), la récupération des eaux de pluie pourrait permettre à quelque 520 millions d'Africains d'avoir accès à l'eau.
Les déchets toxiques
Pour une gestion respectueuse de l'environnement
Infrastructures et aménagement foncier en Afrique sont insuffisants face à la croissance des zones urbaines, dont le rythme atteint 3,5 % par an et dont l'un des effets est d'augmenter les rejets de déchets dans l'eau et dans les zones qui échappent à la réglementation. Les dirigeants africains ont demandé à la communauté internationale de soutenir le transfert des connaissances et des technologies pour parvenir à une gestion des déchets respectueuse de l'environnement. Ils souhaitent aussi qu’on les aide à se doter de moyens supplémentaires de contrôle des importations et exportations de déchets, que ce soit sur le continent ou depuis l'extérieur. De nombreux pays africains ont respecté les engagements pris dans le cadre de la Déclaration de Dakar sur l'interdiction de l'essence au plomb à la fin de 2005. L’Agence internationale de l'énergie atomique aide aussi certains pays à gérer en sécurité leurs déchets radioactifs, en particulier dans les régions où se trouvent de nouveaux gisements d'uranium. La Gambie, le Nigéria et le Sénégal, entre autres, ont commencé à appliquer le Système général harmonisé (SGH) d'étiquetage des matières dangereuses pour tenter de standardiser le maniement des produits chimiques.
Le changement climatique
Protection d'un continent particulièrement vulnérable
Le changement climatique freine les progrès en matière de développement durable en Afrique en contribuant à la réduction des précipitations, à la hausse des températures, aux inondations et à la propagation des maladies d'origine hydrique comme le choléra. L'Afrique ne produit que de 2 à 3 % des émissions mondiales de dioxyde de carbone, dont la plus grande partie viennent de cinq pays seulement — l'Afrique du Sud, l'Algérie, l'Egypte, la Libye et le Nigéria. Si le
continent contribue peu aux émissions de gaz à effet de serre, les températures en Afrique pourraient cependant augmenter de 4 à 5 degrés Celsius d'ici un siècle, une évolution qui, selon le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, serait désastreuse. La Corne de l'Afrique connaît actuellement la pire sécheresse des soixante dernières années.
L’énergie
Améliorer la gestion de l'efficacité énergétique
Sur 1,4 milliard de personnes dans le monde qui n'ont pas accès à l'énergie, 40 % vivent en Afrique subsaharienne. Selon un rapport du NEPAD, le développement du secteur énergétique du continent est en retard par rapport à la croissance de sa population et à ses besoins socioéconomiques. Avec 13 % de la population mondiale, l'Afrique produit 7 % de l'énergie commerciale mondiale mais n'en consomme que 3 %. « La plus grande partie de l'énergie commerciale produite est donc consommée ailleurs que sur le continent », constate le NEPAD. En Afrique subsaharienne, les combustibles traditionnels comme le bois de chauffage représentent deux tiers de la consommation d'énergie. Les dirigeants africains ont approuvé un programme décennal de production et de consommation durable pour favoriser une utilisation plus efficace des ressources énergétiques.
Tourisme durable
L'Afrique, destination touristique émergente
Selon l'Organisation mondiale du tourisme, quelque 7,7 millions de personnes travaillent dans les secteurs du tourisme et des voyages en Afrique. En 2004, le NEPAD a approuvé un Plan d'action pour le tourisme, avec pour objectif de faire de l'Afrique la « destination du 21ème siècle ». La plupart des gouvernements africains ont intégré le tourisme — que ce soit en termes de marketing, de recherche et développement, ou de code de conduite — dans leurs stratégies de développement. Plusieurs grands projets en cours font l'objet d'investissements importants. Ils devraient générer des retombées positives et améliorer l'intégration économique du continent. Le nombre de touristes en Afrique a augmenté de 8,8 % en 2009-2010, soit la plus forte hausse de toutes les régions. Le Maroc, l'Angola, le Cap-Vert, Madagascar, l'Egypte et l'Afrique du Sud enregistrent tous des hausses à deux chiffres, et la Tanzanie et Maurice ne sont pas très loin derrière. Mais du fait des récents événements politiques, le tourisme s’est ralenti en Afrique du Nord.
L'égalité homme-femme
Vers une plus grande représentation des femmes africaines en politique
Le protocole de la Charte africaine sur les droits de la femme a été ratifié par 29 pays africains. Quant à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), 44 états africains l'ont ratifiée. En octobre 2010, l'Union africaine a lancé la Décennie des femmes africaines. En outre, 18 des 28 pays où la mutilation génitale des femmes était largement répandue l'ont interdite, l'objectif étant de l'éliminer totalement d'ici à 2015. La participation des femmes africaines à la vie politique augmente. En 2008, la majorité des élus de la chambre basse du Parlement rwandais était des femmes, le Rwanda se classant à cet égard au premier rang mondial. La première femme Présidente d'Afrique, la Libérienne Ellen Johnson-Sirleaf, a été élue en 2005 et reconduite à ses fonctions en 2011. En dépit de ces avancées, on ne compte en Afrique que 76 filles pour 100 garçons dans les établissements d'enseignement supérieur et universités. La proportion est de 91 filles pour 100 garçons à l'école primaire, et 79 dans l’enseignement secondaire.
L’éducation et la santé
Plusieurs pays en voie d'atteindre l'Education pour tous
Un grand nombre de pays africains sont bien partis pour atteindre les OMD concernant l'éducation primaire universelle d'ici à 2015. Le Burundi, l'Ethiopie, le Ghana, le Kenya, le Mozambique et la Tanzanie ont aboli les frais scolaires à l'école primaire. Pourtant, 30 millions d'enfants, principalement des filles, n'ont toujours pas accès à l'éducation et les enseignants dûment formés font cruellement défaut. Au niveau du supérieur, les inscriptions stagnent à 6 % et près de 40 % des postes universitaires restent vacants.
Dans de nombreux pays africains, la prévalence du paludisme, du VIH/sida et des maladies non transmissibles comme le cancer, le diabète et les maladies cardiovasculaires reste élevée. En 2008, la moitié des 8,8 millions de décès d'enfants dans le monde s’est produite en Afrique. Mais tout n'est pas sombre dans ce tableau : depuis 1990, la mortalité des moins de cinq ans a diminué de 22 % en Afrique subsaharienne et en 2008, 76 % des enfants d'un an étaient immunisés contre la rougeole, alors qu’ils n’étaient que 58 % à l’être en 1990. Le Mozambique est parvenu à réduire son taux de mortalité infantile de plus de 70 %, le Malawi de 68 % et le Niger de 64 %. Le Burundi, le Cap Vert et l'Egypte ont eux aussi réalisé des progrès remarquables à cet égard.
Les dégradations écologiques
Sauver les forêts et les habitats naturels
L'Afrique perd 4 millions d'hectares de forêts par an, soit deux fois plus que la moyenne mondiale. Si la déforestation peut permettre d'augmenter les surfaces arables, la productivité qui en résulte n’est pas durable, du fait de l'épuisement des sols qui perdent leurs substances nutritives. D’après le PNUE, dans environ la moitié des régions écologiques d’Afrique, 50 % des terres ont été dégradées, converties en zones cultivées ou urbanisées. L'Afrique dispose encore de 2 millions de kilomètres carrés de régions protégées, mais les zones côtières restent confrontées à des problèmes liés à l'extraction minière et pétrolière,
à une pêche incontrôlée, à une mauvaise gestion des mangroves et au développement des côtes. Les arbres des forêts sont détruits pour construire des habitations ou produire du charbon de bois, réduisant d'autant l'habitat de nombreuses espèces.
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