N’Zérékoré : les effets du réchauffement climatique menacent le calendrier agricole Guinée forestière

ven, 29/04/2022 - 16:09

N’ZEREKORE- La région forestière notamment Nzérékoré et ses périphéries commencent à ressentir les effets du réchauffement climatique. Appelée Guinée forestière à cause de sa végétation riche et dense, cette zone située dans le sud du pays, était connu pour son climat humide et une pluviométrie abondante presque toute l’année (8 mois sur 12). Mais de nos jours, le constat est amer. La donne a changé, la végétation se métamorphose. L’action de l’homme a drastiquement contribué à la dégradation de l’environnement. Les grandes forêts disparaissent au fil des années, laissant place à de grands espaces vides. Les spécialistes pointent du doigt l'action anthropique de l'Homme sur la nature. Mathieu Manamou de la société civile est revenu sur le constat fait ces dernières années par rapport à ce changement enregistré dans la région.

"L'année dernière, on a constaté qu’à Nzérékoré et sa périphérie, dans les mois de juillet et août, il y'avait même de la poussière. Parce qu'il n'y avait pas de pluie. Or habituellement, ce sont les mois les plus pluvieux. En 2020, de novembre jusqu'à la rentrée du mois d'avril, il n’y avait pas de pluie. Et cela a provoqué une vague de chaleur inédite. Beaucoup de personnes ne passaient pas la nuit dans leur maison. En plus, il y'avait un manque criard d'eau. Je vous jure même les puits dans les concessions n'avaient pas d'eau. Certaines rivières n'avaient pas une seule goutte d'eau dans le lit. On a vu des poissons mourir parce que l'eau de la rivière était très chaude, ils ne pouvaient plus vivre. Pire, les femmes ne pouvaient plus faire des cultures maraichères dans les bas-fonds de Nzérékoré qui avaient tari.

Crise de feuilles pour la cuisson

Les mois passés, il manquait totalement de feuilles (manioc, patate) dans les marchés de N’Zérékoré pour la préparation de certaines sauces. Et cette perturbation climatique va directement retomber sur le calendrier agricole. Ce qui pourrait causer la famine dans les années à venir ", alerte Mathieu Manamou, président du conseil préfectoral de la société civile à Nzérékoré.

Selon lui, cette région ne mérite plus l'appellation « Guinée forestière » à cause de l’état de sa végétation actuelle. La forêt a été complètement dévastée par l'action anthropique de l'Homme.

 En Guinée forestière, nous avons une Guinée dé-forestée. Allez vers Lola, Beyla, vous y trouverez de vastes domaines sans aucune forêt. Alors qu’avant, ce sont des zones où on parcourait des kilomètres sans même voir le soleil. Mais aujourd'hui, l'arrivée des sociétés d'exploitation de bois en ont fini avec toutes ces forêts. Donc, il serait mieux qu'on change de nom pour dire par exemple "Guinée du Sud" », indique M. Manamou.

 

Ces deux dernières années à savoir l'année 2020 et 2021, la pluviométrie a drastiquement diminué à Nzérékoré. La préfecture reste déficitaire, une situation qui inquiète les scientifiques. Interrogé, le responsable de la direction régionale de la météorologie de Nzérékoré, a donné des précisions sur les statistiques. Rien qu’en 2021, N’zérékoré a enregistré un déficit de 591,6 mm d'eau.

"Nous avons une normale. C'est par rapport à cette normale que nous pouvons dire que la pluviométrie a changé ou non. Soit ça été déficitaire ou excédentaire. Cette normale en cours est celle de 1981-2010, qui va jusqu'à 30 ans. Et la valeur de cette normale est de 1826,6 mm d'eau. Donc, les statistiques qui sont en cours, nous les évaluons par rapport à l'année. Les années précédentes et cette année. Et vu que nous sommes au cours de l'année, nous ne pouvons pas donner une statistique parfaite pour cette année 2022. Mais pour ce qui est de l'année 2021 qui vient de passer, nous avons reçu à cette station principale météo Nzérékoré, une quantité de 1235,6 mm d'eau. Donc si nous faisons une évaluation ou une comparaison par rapport à la normale pluviométrique qui est 1826,6 mm, nous trouvons une quantité déficitaire de 591,6 mm d'eau. Ce qui veut dire que l'année passée, nous avons reçu moins de quantité d'eau par rapport à la normale. Et c'est seulement par rapport à la normale que nous pouvons définir ou dire que cette année il a plu moins ou plus.

Nous sommes partis loin pour faire cette comparaison. En 2020, nous avons reçu une quantité de 1676,2 mm et comparativement à la normale, nous avons trouvé aussi une pluviométrie déficitaire de 150,4 mm. Ce qui veut dire que les deux années précédentes, 2020, 2021, ont été déficitaires. Nous descendons un plus vers 2019, nous avons trouvé une quantité égale à 2150,6 mm d'eau. Et comparativement à cette même normale qui est 1826,6 mm d'eau, nous trouvons une quantité de 324,0 mm d'eau qui est au-dessus de la normale. Donc, l'année a été excédentaire. Même chose que pour 2018, 2017. Donc, nous avons remarqué que les 5 dernières années passées, seulement les trois années 2017, 2018, 2019 ont été excédentaires. Mais les deux dernières années 2020 et 2021, ont été déficitaires. Ce qui veut dire que nous sommes en manque par rapport à la normale", explique M. Inapogui Emmanuel Gbazié, ingénieur Météo, responsable de la station régionale de Nzérékoré.

De coutume, les citoyens de Nzérékoré s'attendent aux premières pluies au mois de janvier, chaque année. Le paradoxe, c'est que cette année, aucune goutte de pluie n'est tombée en janvier. Si certains s'inquiète de cette réalité, ce météorologue rassure :

« Si chaque année il pleut au mois de janvier et cette année il n'a pas plu cela ne nous inquiète pas. Vous savez chez nous, la moyenne pluviométrique de chaque mois est définie. Le mois de janvier, l'intervalle de pluviométrie que nous avons n'est pas si considérable. Donc, s'il ne pleut pas en janvier, nous ne sommes pas inquiets. Parce que ça ne vaut même pas 20mm d'eau. Mais du côté des agriculteurs, ça les affecte parce que ces gens se réfèrent à ces premières pluies pour se planifier ou pour définir comment l'année sera », précise M. Gbazié.

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