Les techniques visant à manipuler le rayonnement solaire pour atténuer le réchauffement climatique, pourraient, si elles s'interrompaient brutalement, faire disparaître des espèces entières, met en garde une étude publiée lundi.
« Un réchauffement rapide après l'arrêt de cette géo-ingénierie ferait peser une menace énorme sur l'environnement et la biodiversité », souligne Alan Robock, professeur à la Rutgers University (New Jersey).
Une telle rupture pourrait conduire à l'extinction, localement voire mondialement, de nombreux amphibiens, mammifères, coraux et plantes, selon ces travaux parus dans Nature Ecology & Evolution.
Cette technique, qui n'a encore jamais été testée, consiste à injecter dans les hautes strates de l'atmosphère des milliards de particules destinées à renvoyer une part du rayonnement solaire dans l'espace. Un peu comme certaines éruptions volcaniques l'ont fait naturellement dans le passé.
Pour ses défenseurs, il s'agit de contrer facilement le dérèglement climatique qui, avec +1 °C depuis l'ère préindustrielle, est déjà lourd d'impacts (vagues de chaleur, tempêtes intenses, etc.).
L'accord de Paris fin 2015 engage le monde à agir pour rester « bien en dessous » de 2 °C. Mais l'action pour réduire les émissions de gaz à effet de serre reste insuffisante, conduisant certains à reconsidérer ces techniques de géo-ingénierie controversées.
Pour l'étude publiée lundi, les chercheurs ont imaginé que des avions dispersent cinq millions de tonnes dioxyde de soufre dans la stratosphère au niveau de l'Équateur, chaque année pendant 50 ans, de 2020 à 2070. Et dans le même temps, les hommes continuent à réduire leurs émissions, mais pas assez vite.
Les modèles informatiques montrent que la température moyenne chuterait en effet de 1 ° C.
Mais comment faune et flore réagiraient-elles si ce « traitement » devait cesser d'un coup ?, se sont demandé les scientifiques.
« Mettre un terme à cette géo-ingénierie conduirait à un réchauffement rapide : 10 fois plus rapide que si elle n'avait pas été déployée, » dit M. Robock.
Expérimentation à l'automne
Plantes et animaux disposeraient-ils alors du temps nécessaire pour bouger et trouver un climat (température ET précipitations) leur permettant de survivre ?
De nombreuses créatures -- en particulier les amphibiens, les mammifères terrestres, et les plantes -- seraient incapables de migrer suffisamment vite, estime l'équipe : « dans de nombreux cas, il leur faudrait aller dans une direction pour trouver la même température, mais dans l'autre pour trouver le même régime de pluie ».
Partisan de ces techniques, David Keith, professeur à la Harvard Kennedy School, ne conteste pas ce risque. Mais il ne voit pas le monde cesser d'y recourir soudainement, comme l'envisage l'étude, a-t-il expliqué à l'AFP.
« La décision d'arrêter soudainement devrait être quasi unanime, » a-t-il dit à l'AFP. Et tout pays « pourrait unilatéralement continuer à faire de la géo-ingénierie ».
En attendant, encore faut-il que la géo-ingénierie solaire soit au point.
Si cela ne marche pas, « il faut le savoir maintenant, » dit le climatologue Ben Kravitz (Pacific Northwest National Laboratory, État de Washington). Car « ce qui me terrifie est que nous allons commencer à nous reposer là-dessus, pour plus tard découvrir que ça ne marche pas ».
Ce qui ne signifie pas tourner le dos entièrement à ces méthodes, soulignent d'autres scientifiques. Parmi lesquels les auteurs de l'étude eux-mêmes : « Vu les émissions de GES actuelles, il serait irresponsable de ne pas étudier les bénéfices et coûts potentiels de la géo-ingénierie climatique, » écrivent-ils.
David Keith prévoit de mener une première expérimentation dans le désert de l'Arizona cet automne, mais les conclusions ne seront pas disponibles avant plusieurs années.
« Il sera vraiment difficile de rester à 1,5 °C ou 2 °C sans (techniques de contrôle du) rayonnement solaire », estime pour sa part Ben Kravitz. « Pas impossible, mais très difficile. »
Source : Environnement