Résultats décevants pour la COP 25 à Madrid Le ralentissement de l'ambition climatique s'est confirmé à la COP 25

dim, 15/12/2019 - 13:42

 Malgré deux semaines de négociations, les États n'ont pas réussi à se mettre d'accord pour rehausser leurs ambitions avant la COP 26 et pour définir les règles du marché carbone.

Gouvernance  |  15 décembre 2019  |  Florence Roussel

La COP 25, organisée par le Chili à Madrid, ne restera gravée dans les mémoires que pour un seul fait : sa longueur record. Face aux faibles niveaux d'ambition obtenus après deux semaines de négociations, le Chili a prolongé de 42 h les débats. Il a même confié ces négociations « bonus » à la ministre de l'environnement espagnole Teresa Ribera. Selon l'analyse de la Fondation pour le climat, ce passage de relais a été salvateur et a permis d'aboutir à un « accord a minima » pour aborder « avec espoir » l'année 2020. « Le soutien héroïque de la ministre espagnole au cours des dernières heures, a permis d'obtenir le résultat minimum nécessaire pour bien aborder 2020, l'année où l'action climatique compte », commente Laurence Tubiana, directrice générale de la Fondation pour le climat et architecte de l'Accord de Paris.

L'ambition en perte de vitesse

Les deux semaines de négociations ont surtout été marquées par des dissensions fortes entre les pays. « Partout dans le monde, nos concitoyens se mobilisent pour porter ce message d'urgence à agir. Malgré cela, l'ambition n'a clairement pas suffisamment été au rendez-vous dans la décision finale de la COP 25 », réagit Élisabeth Borne, ministre française de la Transition écologique. « L'urgence de la bataille climatique n'est plus une priorité partagée par tous les pays », complète Brune Poirson, secrétaire d'État.

Comme attendu, les États-Unis, le Brésil et l'Australie ont tout fait pour saper la dynamique. Mais le plus gênant vient du Canada, du Japon, de la Chine et de l'Inde, qui n'ont pas été à la hauteur pour contrer ces pays. L'Union européenne, à elle seule, n'a pas réussi à faire basculer le leadership du côté de l'ambition.

Résultat, le texte de la décision finale de la COP 25 « réaffirme avec une vive inquiétude la nécessité urgente de combler l'écart important entre l'effet global des efforts d'atténuation des Parties en termes d'émissions annuelles mondiales de gaz à effet de serre d'ici 2020 (…) », en même temps qu'il « souligne l'urgence d'une ambition renforcée afin d'assurer les efforts d'atténuation et d'adaptation les plus élevés possibles de toutes les Parties ». Mais rien n'oblige les Parties à soumettre des contributions nationales (NDC) améliorées en 2020.

Le marché carbone sans règle du jeu

Les négociateurs ne sont pas non plus parvenus à un résultat sur les marchés du carbone et l'article 6 de l'Accord de Paris. Au cours des dernières heures de négociation, plus de 30 Gouvernements se sont ralliés aux « principes de San Jose » dans le but de préserver l'intégrité des règles du marché du carbone et d'éviter les failles et la capacité de double comptabilisation des crédits. « L'essentiel étant de ne pas accepter un accord qui aurait affaibli l'Accord de Paris, les Parties ont convenu de reporter la décision à 2020, afin de se donner de meilleures chances d'aboutir à une décision ambitieuse et préservant l'environnement », justifie la France. L'examen des règles de mise en œuvre de l'article 6 est, dès lors, reporté à la session des organes subsidiaires de juin 2020.

De même, les négociations sur les tableaux de rapportage du cadre de transparence sous l'Accord de Paris, sont reportées à la session de négociation de juin 2020. Ce système de rapportage constitue le socle de l'Accord de Paris, devant assurer la transparence des émissions et des avancées des pays dans la mise en œuvre de leurs engagements.

Les pertes et dommages toujours à la recherche de financements

En matière d'indemnisation des pertes et dommages générés par les changements climatiques (article 8 de l'Accord de Paris), les pays ont choisi de mettre en place, d'ici 2020, un groupe de travail chargé de définir un plan d'action pour faciliter la compilation et le partage d'informations sur les financements disponibles pour prévenir les risques climatiques et y faire face, notamment en clarifiant le rôle du Fonds vert pour le climat.

Ce « réseau de Santiago » est établi pour mener plus de travaux sur la mise en œuvre afin de minimiser, d'éviter et de récupérer des pertes et dommages. « Cela constituait une demande forte de la part des pays vulnérables, et il était important d'y répondre », commente la France. « Cependant, le texte final est plus faible que la version précédente » qui a circulé pendant les négociations, précise la Fondation pour le climat.

Un fléchage des financements

L'essentiel étant de ne pas accepter un accord qui aurait affaibli l'Accord de Paris, les Parties ont convenu de reporter la décision à 2020, afin de se donner de meilleures chances d'aboutir à une décision ambitieuse et préservant l'environnement. 

Les Parties ont réussi à s'accorder sur les orientations à donner au Fonds environnemental mondial, au Fonds d'adaptation ainsi qu'au Comité permanent des finances. Les discussions n'ont, en revanche, pas abouti sur le point d'agenda concernant la finance de long terme au-delà de 2020. Les orientations à donner au Fonds vert pour le climat ont également fait l'objet de nombreuses discussions.

L'accord final de la COP 25 « exhorte » à accroître le soutien des pays développés et des autres pays en mesure de le faire, ainsi que des organisations privées et non gouvernementales, des fonds et d'autres parties prenantes. Mais il invite uniquement le Conseil du Fonds vert pour le climat (GCF) à continuer à fournir des ressources pour les pertes et dommages, regrette la Fondation pour le climat. « La COP 25 n'a pas créé un nouveau mécanisme de financement spécifique aux pertes et dommages, regrette Oxfam. À la place, les pays ont convenu de créer un nouveau groupe d'experts sur le financement des impacts climatiques irréversibles et demandent au Fonds vert pour le climat de se saisir de cette question. Mais sans financement nouveau et supplémentaire, cela laisse les personnes les plus vulnérables du monde bien démunies face aux effets croissants de la crise climatique. »

Une voix pour les océans et la biodiversité

L'accord final signé reconnaît l'importance d'une action plus rapide et plus forte pour réduire les risques climatiques, notamment à l'appui des derniers rapports spéciaux du GIEC. Il souligne le besoin de traiter les enjeux de perte de biodiversité et de changement climatique de façon intégrée. Il annonce l'organisation d'un dialogue sur l'océan et le changement climatique ainsi qu'un dialogue sur les terres et l'adaptation. « Cette meilleure prise en compte de la biodiversité et du rôle de l'océan sont des messages positifs pour 2020, notamment pour avancer à la fois sur la COP 26 Climat et la COP 15 Biodiversité », commente la France.

Cap vers la COP 26

Le mauvais résultat de la COP 25 laisse reposer tous les espoirs sur la COP 26 qu'accueillera le Royaume-Uni à Glasgow en novembre 2020. « Londres et Rome devront déployer tout leur arsenal diplomatique, économique et financier pour remettre le monde sur les rails en 2020 », estime la Fondation pour le climat. Certains observateurs restent néanmoins optimistes : « Le mouvement citoyen, qui appelle à l'action, prend de l'ampleur et gagne en influence. De jeunes militants plaident pour un futur plus sûr et font preuve d'un leadership qui manquait cruellement jusqu'à maintenant », remarque l'ONG Oxfam. Il est plus important que jamais pour les citoyens du monde entier, de maintenir la pression sur leurs gouvernements pour qu'ils passent sans plus tarder à l'action et réduisent leurs émissions. La voie ouverte par l'Accord de Paris n'a pas encore tout à fait disparue, mais il n'y a plus de temps à perdre », conclut Armelle Le Comte, responsable du plaidoyer climat pour Oxfam France.

Source : Actu Environnement

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