Environnement-magazine.fr poursuit la publication de vos réflexions et de vos idées via notre nouveau format en ligne "Tribune". Cette semaine, Mathieu Dancre, Directeur marketing et stratégie de Caméo Energy revient sur l’utilité des Certificats d’économie d’énergie (CEE).
Malgré une actualité médiatique qui pointe certains dysfonctionnements du dispositif de Certificats d’Economies d’Energie en France, et certains abus dans son utilisation par des acteurs peu scrupuleux, il n’en reste pas moins que cet outil national est l’un des seuls, sinon le seul, de la transition énergétique qui ait trouvé son modèle économique. Avant d’en faire l’exégèse, il est souvent utile d’en rappeler les fondamentaux et les mécanismes d’attribution. Cette tribune se fait l’écho d’une pédagogie de terrain, celui d’un acteur facilitant la mise sur le marché dans l’industrie, le tertiaire et le résidentiel individuel ou collectif des Certificats d’Economies d’Energie. Elle ouvre aussi la voie à un champ d’application plus large, lié aux nouveaux usages et nouvelles technologies permettant une gestion locale de l’énergie, terreau de convergence entre le « consommer moins » et le « consommer proprement ».
Les certificats ne tombent pas du ciel et s’insèrent dans un modèle économique de massification des économies d’énergie, car ce sont les petits ruisseaux qui font les grandes rivières. L’Etat fixe les règles et les quantités de certificats que les obligés, c’est-à-dire chaque fournisseur d’énergie (EDF, Total, ENGIE pour ne citer que les plus importants) et distributeur de carburant (Auchan, Carrefour, Leclerc…), vont devoir délivrer sur des périodes de trois ans au Pôle National des Certificats d’Economies d’Energie (PNCEE). Pour ce faire, les obligés peuvent s’appuyer sur leur propre clientèle, aller sur le marché acheter des certificats d’économie, ou encore mandater des acteurs tiers indépendants qui collectent en leur nom. Dans tous les cas, l’obligé va payer une prime d’économie d’énergie au bénéficiaire, porteur de projet qui renouvelle ses équipements pour les remplacer par des équipements dont la performance énergétique est prouvée et validée par l’ADEME et la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC - Ministère de l’Environnement).
Le montant de la prime est, pour chaque construction, plafonné par la pénalité qu’un obligé devra payer s’il ne remplit pas ses obligations (20 Euros/MWh cumac pour des CEE classiques). Par le passé, le prix du CEE est descendu à 1 euro et il se situe aujourd’hui autour des 4 euros, en lien avec les stratégies des différents obligés pour respecter leurs engagements au sein de chaque période. Quoi qu’il en soit, il est essentiel de comprendre que ces primes ne sont pas le fruit des impôts du contribuable, ni un vase communicant entre une taxe carbone ou un autre tarif quelconque des marchés de l’énergie, mais uniquement le prix qu’un obligé est prêt à payer au bénéficiaire. Indirectement, ce mécanisme améliore le pouvoir d’achat des particuliers sensibles à la performance énergétique et la compétitivité des entreprises industrielles à travers des équipements au rendement énergétique meilleur. Il privilégie également les fabricants qui produisent des équipements éligibles, autrement dit des fabricants qui ont pris en considération la performance énergétique dès la conception de leur produit.
Le calcul des économies d’énergie est normatif selon un principe de fiche standard pour chaque équipement éligible (dans 95% des cas). C’est précisément la nature normative du dispositif qui constitue le véritable levier de massification des économies d’énergie sur tout le territoire. En effet, de période de trois ans en période de trois ans, ce marché grandit, se développe et est constitué d’environ 200 fiches aujourd’hui. Cet enjeu croissant reflète la volonté de l’état de ne pas être seul dans la lutte active contre le réchauffement climatique et l’amélioration de la compétitivité industrielle. Il demande aux obligés de jouer un rôle incitatif actif auprès des entreprises et des particuliers sur tout le territoire national.
Ainsi, la transition énergétique a trouvé son marché et son modèle économique pour l’efficacité énergétique (« le consommer moins »). Comparativement, la massification des énergies renouvelables n’a pas encore eu lieu et se limite aujourd’hui aux projets de grande taille, très capitalistiques. Il serait pourtant intéressant de faire converger les problématiques de développement du renouvelable décentralisé vers celles du développement de l’efficacité énergétique, en vue d’établir un modèle économique qui tienne pour la gestion locale de l’énergie (autoconsommation solaire, effacement, stockage, applications digitales de gestion locale de l’énergie). L’introduction de ces équipements dans le dispositif des Certificats d’Economies d’Energie répondrait à une problématique de massification, de sensibilisation et d’appropriation des enjeux liés à nos factures d’énergie et notre empreinte environnementale.
Mathieu Dancre