Un chercheur fait valoir l’utilisation de microalgues pour transformer les eaux usées
26 juillet 2017 |Valérian Mazataud | Actualités sur l'environnement
À Victoriaville, à défaut de transformer du plomb en or, des microalgues transforment des eaux usées en savon.
Simon Barnabé, chercheur en bioéconomie à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), présentera aujourd’hui ses recherches dans le cadre d’une table ronde sur la valorisation des eaux usées par les microalgues. Il s’exprimera dans le cadre du Congrès mondial sur les biotechnologies industrielles, qui se tient au Palais des congrès de Montréal du 23 au 26 juillet.
« Dans nos projets, on aime créer des symbioses industrielles, et la production de microalgues peut créer des synergies inusitées entre des compagnies complètement différentes. » Depuis 2013, l’UQTR a mis en place un partenariat entre plusieurs entreprises du Parc industriel Paul-André-Poirier de Victoriaville : Lactancia, Laboratoires Abbott, Gesterra (gestion de déchets) et Sani Marc (produits d’assainissement).
Dans ce bel exemple d’économie circulaire, les déchets des uns servent à la matière première d’un autre, le tout dans un rayon de moins d’un kilomètre. « Notre milieu de culture pour les algues est composé des eaux usées de ces entreprises, riches en azote, en phosphore et en carbone. » En moins d’une semaine, les chlorelles, minuscules algues vertes d’un à cinq micromètres, jouent non seulement le rôle d’une usine d’épuration, mais accumulent également une huile à haute valeur ajoutée.
L’équipe de recherche de Trois-Rivières en extrait un surfactant, une molécule qui entre dans la composition de produits nettoyants comme le savon pour l’entreprise Sani Marc. « Ce qui reste de biomasse est transformé en biopétrole pour la flotte de véhicules des entreprises ou pour les véhicules lourds de la municipalité de Victoriaville. »
Biocolle et biopétrole
À Berthierville, l’équipe du Dr Barnabé expérimente avec les eaux de ruissellement du lieu d’enfouissement technique (LET) Dépôt Rive-Nord. Associés aux microalgues, ces lixivias riches en nutriments permettent de produire une biocolle pour une entreprise locale et du biopétrole pour les véhicules du LET.
Le chercheur présente les résultats de ces projets pilotes, mais il reste encore à industrialiser les processus à grande échelle. « Il faut rentabiliser tous les procédés, production, récolte, extraction, et produire en grand volume, et c’est loin d’être évident. Nous produisons quelques kilos d’algues par an en laboratoire, mais il faudrait en produire mille tonnes par an pour un site comme Berthierville. »
Le LET produit 1300 mètres cubes d’eaux usées par jour, alors que le laboratoire du Dr Barnabé n’est pour l’instant équipé que d’un bassin de 10 mètres cubes. « L’opération, l’exploitation, la gestion, ça vient beaucoup plus tard, ça va prendre des surfaces assez importantes, et à quel rythme, compte tenu des conditions hivernales du Québec ? » s’interroge Yvon Lafortune, technicien en assainissement des eaux pour le LET Dépôt Rive-Nord.
C’est actuellement le plus gros défi au Canada, confirme Simon Barnabé : l’absence d’entreprises productrices d’algues à grande échelle. « On essaye de courtiser des entreprises d’Europe ou des États-Unis. Si on en attire une, ça devrait créer un élan dans la production de microalgues au Canada. »
Le congrès de cette année sera peut-être l’occasion d’une rencontre. Avec 70 % d’industriels et 30 % de chercheurs, son objectif principal est de connecter les acteurs du secteur, explique Paul Winters, directeur des communications.
Pour la suite, le chercheur a déjà ciblé la technique idéale pour déshydrater les masses d’algues récoltées : utiliser les équipements des papetières pour produire des feuilles d’algues. La technique est déjà au point et permettra de créer d’autres « symbioses locales » tout en aidant à maintenir l’emploi en région.