Le couple sino-américain s'est imposé en activant une alliance avant tout défensive.
Par-delà l'enjeu environnemental, Copenhague a agi comme un saisissant révélateur de la nouvelle mappemonde géopolitique. Dans la tension des dernières heures de la conférence, la «diplomatie climatique» a souligné les nouveaux rapports de force mondiaux et mis en lumière les puissances dominantes.
Premier constat : le couple sino-américain, déjà opératoire pendant la crise financière, est devenu incontournable. Informel, déséquilibré, controversé à juste titre, le G2 prend de la consistance mais sur le mode d'une alliance défensive. C'est la convergence d'intérêt entre la Chine et les États-Unis qui a finalement déterminé l'issue de la conférence, «sauvant» un accord mais le ramenant à la ligne d'étiage que ni l'une ni les autres ne souhaitaient franchir. Le négociateur chinois Xie Zhenhua n'a pas dit autre chose en concluant que Pékin et Washington avaient réussi à préserver l'essentiel : «pour nous, a-t-il expliqué, c'était notre souveraineté et notre intérêt national». Un diplomate occidental s'interroge : «Dans la vie internationale, la Chine est passée du mythe à la réalité, elle est désormais active, relève-t-il. Mais est-elle pour autant plus consciente de ses responsabilités de grande puissance ?»
L'Europe impuissante
Quant à Barack Obama, il a choisi l'option la plus susceptible de lui épargner les foudres du Congrès, se gardant de toute initiative, et négligeant ostensiblement l'appel de ses alliés transatlantiques à s'engager davantage.
Tel est précisément le deuxième constat qui s'impose après Copenhague : l'Europe est vertueuse mais impuissante. La «soft power» des Vingt-Sept n'a pas réussi à créer la dynamique qui aurait pu mener à un accord «ambitieux», comme le souhaitaient Nicolas Sarkozy et Gordon Brown. «L'Union européenne a été en pointe avec l'adoption de son “paquet énergie climat”, il y a un an, mais ensuite, elle a perdu la main», déplore un négociateur français. Certes, à Paris comme dans d'autres capitales européennes, on a bien pris en compte la montée en puissance des grands émergents, autre facteur clé du monde nouveau, par exemple cherchant à «arrimer» le Brésil. Mais «avec l'Inde, on aurait dû négocier en mettant sur la table les transferts de technologie qu'elle réclamait», regrette un observateur. C'est aussi qu'en dépit de l'affichage officiel, l'UE ne présente pas un front uni. Certains pays membres dont l'économie demeure très «carbonée», comme l'Allemagne ou la Pologne, ont été moins allants. D'autres, comme le Danemark, qui présidait la conférence, ont été jugés trop «pro américain», cristallisant l'antagonisme des pays en développement.
Car voici le troisième constat : les pays les plus pauvres, l'Afrique notamment, sont apparus plus divisés et déboussolés que jamais. D'autres clivages se surimposent désormais au traditionnel face à face Nord-Sud. Certes, le vieux G77 (130 pays en réalité), agité en sous main par la Chine comme un agent antioccidental, a retrouvé des couleurs à Copenhague. Mais ce groupe hétéroclite qui comprend à la fois Singapour et le Soudan a montré une nouvelle fois qu'il n'était fort que de son pouvoir de nuisance. Une partie des Africains lui a fait allégeance. D'autres, derrière le premier ministre éthiopien Meles Zenawi, ont cherché à se rapprocher des Européens pour obtenir la manne financière la plus élevée possible. Au final, l'Afrique n'a reçu que des promesses. Elle n'est même pas assurée de recevoir 40 % de cette aide, comme le réclamait la France.
Un quatrième constat s'impose donc : la nécessité d'une nouvelle gouvernance mondiale. Le quasi-échec de Copenhague a souligné en effet les limites d'un système onusien «à bout de souffle». La formule des «G», employée contre la crise économique, réutilisée à Copenhague (un «G28» a été réuni dans l'urgence, jeudi soir) a sans nul doute de l'avenir.
Source environnement