- Le changement climatique a des conséquences particulièrement aiguës dans les pays arabes
- Avec le rythme actuel de ce dérèglement, les méthodes traditionnelles d’adaptation sont mises à rude épreuve
- Les initiatives indispensables destinées à réduire cette fragilité peuvent aussi contribuer à un développement durable
Depuis le début des relevés de températures dans le monde, à la fin du XIXe siècle, jamais la planète n’avait connu d’année aussi chaude qu’en 2010, avec de nouveaux pics atteints dans 19 pays. Parmi eux, cinq pays arabes, dont le Koweït, qui a établi deux records consécutifs : 52,6° C en 2010 et 53,5° C en 2011.
Selon un nouveau rapport consacré à l’adaptation au changement climatique dans le monde arabe, ces événements climatiques extrêmes constituent la nouvelle norme de la région. Le changement climatique a des conséquences particulièrement aiguës dans les pays arabes. Alors que la région s’est adaptée depuis des milliers d’années à l’évolution des précipitations et des températures, la rapidité du changement climatique actuel rend déjà inopérants, dans de nombreux cas, les mécanismes traditionnels d’ajustement.
Pour Inger Andersen, vice-présidente de la Banque mondiale pour la Région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA), « le changement climatique fait partie du quotidien des habitants des pays arabes. S’il n’épargne personne, ce sont les plus pauvres qui en pâtissent le plus car ils n’ont pas les mêmes moyens d’adaptation. Avec l’aggravation du phénomène, le bien-être des populations et leurs revenus vont se dégrader. C’est maintenant qu’il faut prendre des mesures nationales et régionales pour renforcer la résilience climatique ».
Afin de mener une analyse approfondie des effets possibles du changement climatique, le rapport s’est appuyé sur les connaissances étendues des experts régionaux. Les météorologues prévoient de nouveaux records de température et, dans la plupart des zones, un déficit pluviométrique. L’eau va devenir plus rare alors même que la population croît. La région, qui connaît déjà des difficultés sur ce plan, risque d’avoir du mal à irriguer les champs, approvisionner les industries ou alimenter les habitants en eau potable.
Le changement climatique menace les moyens de subsistance des hommes et des femmes des pays arabes, en particulier en milieu rural, les fragilités des uns et des autres étant pour l’essentiel liées à leur rôle dans la société. Face à des moyens de subsistance de plus en plus précaires, les hommes viendront grossir les rangs de l’exode rural, en quête d’emplois rémunérés dans les villes. Les femmes seront elles confrontées à la double difficulté de devoir consacrer plus de temps aux tâches du quotidien — les corvées d’eau, notamment, qui seront de plus en plus problématiques — tout en devant assumer le travail des champs et les responsabilités sociales des hommes absents.
« S’ils agissent de manière concertée, les pays arabes pourront une fois encore, comme ils l’ont fait pendant des siècles, relever le défi et réussir pleinement leur adaptation au changement climatique. »
Si l’on ne réagit pas, ces évolutions de la structure familiale pourraient être à l’origine de tensions considérables. Parmi les différentes réponses politiques à apporter au changement climatique, il faut donc prendre des mesures qui aident les hommes et les femmes à comprendre ces transformations et à s’y adapter à l’échelle du foyer. De par leur rôle central dans la société, les femmes peuvent influer sur les attitudes et les comportements que ces nouveaux modes de subsistance et ces nouvelles formes d’organisation sociale exigent.
Selon Rachel Kyte, vice-présidente de la Banque mondiale pour le développement durable, qui a présenté la parution du rapport aujourd’hui à Doha (Qatar), dans le cadre de la Conférence des Nations Unies sur le changement climatique, « il faut engager une action concertée à plusieurs niveaux pour réduire la vulnérabilité au dérèglement climatique. Les dirigeants ont un rôle crucial à jouer pour forger un consensus qui rendra ces interventions possibles et faire du changement climatique une priorité nationale et régionale ».
Heureusement, les pays arabes disposent de marges de manœuvre pour atténuer l’impact du changement climatique. Le rapport met en lumière des mesures qui non seulement atténueraient la vulnérabilité de la région, mais contribueraient également à un développement durable à long terme. Grâce à son modèle de « pyramide d’adaptation », il propose des clés pour renforcer la gestion du secteur public face au changement climatique et aider les parties prenantes à intégrer les risques et opportunités liés à cette évolution dans toutes leurs activités de développement.
S’il faut en retenir les grandes lignes, les voici : les pays et les ménages doivent diversifier leur production et leurs sources de revenus ; la question de l’adaptation doit être intégrée dans toutes les décisions et initiatives politiques ; les pays doivent faire preuve d'un engagement constant pour lutter contre les conséquences sociales, économiques et écologiques des dérèglements climatiques. S’ils agissent de manière concertée, les pays arabes pourront une fois encore, comme ils l’ont fait pendant des siècles, relever le défi et réussir pleinement leur adaptation au changement climatique.