Avec plus de six mois de retard, Ségolène Royal a enfin dévoilé son projet de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), à savoir le texte qui doit mettre en musique par décrets les dispositions inscrites dans la loi sur la transition énergétique (TE) votée l’été dernier. Las, l’histoire d’une longue procrastination se prolonge, prenant les traits d’une farce au goût amère. Le gouvernement procrastine (encore) Car si la Loi transition énergétique avait au moins le mérite d’inscrire noir sur blanc l’ambition de réduire la part du nucléaire dans le mix électrique français à 50% d’ici à 2025 contre 75% aujourd’hui, ce projet de PPE n’y répond en aucune manière. Or, cet objectif n’est pas une question annexe : en effet, si rien ne vient faire sauter le verrou du nucléaire, les énergies renouvelables ne pourront jamais se déployer massivement, faute de marché disponible. Il est donc impératif de sortir du nucléaire pour aller vers un monde renouvelable. Première déception : cette PPE continue, dans la lettre, de procrastiner dangereusement sur la question des réacteurs à fermer. Elle renvoie en effet cette question à la seconde période de la PPE, soit 2019-2023. Le projet présenté comporte ainsi trois pages consacrées au nucléaire sur environ 300 pages. Le projet présenté n’est pas cohérent Ensuite, ce projet de PPE n’est pas cohérent avec les objectifs de la loi TE – c’est ce que nous expliquons dans une note d’analyse détaillée transmise au ministère de l’Environnement. Il reste quelques mois avant la publication du décret final (qui devrait sortir à l’automne) et nous demandons que les ajustements nécessaires soient effectués. Pour atteindre un objectif de 50% de nucléaire en 2025, il faut prendre en compte deux variables : l’évolution de la demande domestique en électricité et l’évolution des exportations. On obtient ainsi les besoins de production à cette date. Or dans le projet présenté, aucune donnée fiable n’est donnée sur l’évolution de la consommation intérieure, et la part des exportations est artificiellement gonflée. Ainsi, d’après nos calculs, le scénario du gouvernement nous mène à une part du nucléaire dans la production située entre 65% et 75% en 2023 – ce qui correspond à la fermeture de 2 à 12 réacteurs. Une hérésie car si la demande intérieure reste stable (ce qu’anticipe RTE) et la demande extérieure décroît, notamment sous la pression d’énergies renouvelables en plein boom partout dans le monde, ce sont au moins une vingtaine de réacteurs qu’il faudrait fermer pour rester dans les clous. Des risques de sûreté En outre, si l’on s’en tient au projet PPE actuel, il faudrait prolonger au-delà de 40 ans (leur durée de vie initialement prévue) un certain nombre de réacteurs, ce qui fait courir des risques de sûreté conséquents. Au moment où EDF et AREVA sont pris dans un scandale de pièces non conformes et dans une spirale économique négative, cette ambition entêtée paraît aujourd’hui nettement plus incertaine, aussi bien financièrement que techniquement, que le remplacement des réacteurs par un déploiement massif des énergies renouvelables. Rappelons que sur ce point, la France, qui se targue d’être l’artisan d’un accord historique sur le climat lors de la COP21, est largement en retard sur ses voisins européens. Bref, le gouvernement doit rectifier le tir, et vite. La France a déjà trop perdu de temps et d’énergie avec l’atome, une technologie dangereuse devenue trop coûteuse. Source Greenpeace / Pierre Gleizes