A en croire les scientifiques, nos craintes liées au réchauffement climatique sont bien en-deçà de la réalité : la planète pourrait devenir inhabitable avant même la fin de ce siècle.
Parc National de la Vallée de la Mort, en Californie• Crédits : MANUEL SULZER / CULTURA CREATIVE - AFP
La photo illustrant cet article du NEW YORK MAGAZINE prêterait presque à sourire. On y voit un crâne fossilisé, sur lequel une paire de lunettes de soleil est restée incrustée. Sauf qu'après avoir lu la légende, le rictus qui se dessinait déjà sur votre visage a vite fait de ressembler à celui de quelqu'un qui aurait égaré sa tête dans une prise de courant. Il y est écrit que dans les jungles du Costa Rica, où l'humidité dépasse habituellement 90%, le simple fait de se déplacer à l'extérieur, avec une température supérieure à 40°, pourrait s'avérer mortel. Et l'effet serait rapide puisqu'en quelques heures, le corps humain serait entièrement cuit, à l'intérieur comme à l'extérieur.
à réécouter Biodiversité : vers la sixième extinction de masse ?
Pour rendre compte de son enquête, le journaliste a lu la délicatesse, d’ailleurs, d'ouvrir son article par cet avertissement : « C’est promis, ce vous allez lire ici est bien pire encore que ce vous pouvez imaginer ». Un avertissement à ce point effrayant, en réalité, que j'ose à peine vous dresser la liste des menaces directes et concrètes à l'égard de l'homme. La plupart des scientifiques à qui le journaliste a parlé estiment, par exemple, qu'une ville comme Miami ou un pays entier comme le Bangladesh disparaîtront d'ici la fin du siècle et ce même si nous arrêtons de consommer des énergies fossiles dans la décennie qui vient. Même si nous atteignons le seuil des deux degrés de réchauffement prévus par les Accords de Paris, des villes comme Karachi ou Calcutta deviendront inhabitables.
Dès- lors que les sécheresses transformeront les terres cultivées les plus importantes en véritable déserts, les stocks de nourritures seront également gravement affectés à travers le monde. Par ailleurs, la forêt amazonienne (bien que tropicale) pourrait devenir si sèche, que des feux se propageraient sans peine et détruiraient une grande partie de sa surface. Or lorsqu'on sait que la forêt fournit 20% de notre oxygène, il est difficile de ne pas être inquiet. Enfin les océans, aussi, seront bientôt dangereux, et pas uniquement en raison de l'augmentation du niveau de l'eau. Saviez-vous, par exemple, que l'Arctique renferme dans sa glace des maladies qui n'ont pas parcouru l'air depuis des millions d'années ? Des scientifiques y ont découvert, il y a peu, des traces de peste bubonique, de varioles, et même de cette grippe qui a tué plus de cent millions de personnes au début du XXème siècle. Or la fonte des glaces pourrait libérer toutes ces maladies.
Et puis, autre effet potentiellement dévastateur de ce changement climatique, depuis près de 10 ans maintenant existe, creusée dans le flanc d’une montagne norvégienne à 120 mètres de profondeur, la réserve mondiale de semences du Svalbard. 2,5 milliards de graines y sont conservées, représentant plus de 37 000 variétés de semences, en provenance de 189 pays. Cette Arche de Noé végétale, ainsi que la décrit THE GUARDIAN, également surnommée la « chambre forte du Jugement dernier », est censée assurer l’approvisionnement alimentaire de l’humanité, en cas de catastrophe naturelle ou d’origine humaine. Or, la flambée des températures enregistrée dans l’Arctique, à la fin de l'année dernière, a provoqué de fortes pluies avec pour conséquence la fonte du sol gelé, à travers lequel l’entrepôt a été construit. Fort heureusement, les inondations constatées à l’entrée du tunnel qui mène à la réserve n’ont pas atteint la réserve elle-même. Reste qu'il y a là quelque chose de tristement ironique. La Réserve mondiale de semences devait être cette forteresse imprenable de l’humanité contre la famine. Et la voilà dorénavant directement mise en danger par le réchauffement climatique, c'est-à-dire, l’une des menaces dont elle est censée nous protéger.
Malheureusement, l'enquête du NEW YORK MAGAZINE n'est pas la seule à pointer le danger qui menace aujourd'hui notre planète. Selon une analyse publiée, cette fois-ci, dans la revue NATURE, et intitulée «2020 : le point de bascule », l’humanité n’aurait plus que trois ans pour sauvegarder le climat terrestre. Si les émissions de gaz à effet de serre continuent à augmenter après 2020, ou même à rester stables, alors les objectifs de température fixés à Paris seront inaccessibles.
Et comme si tout cela ne suffisait pas, une autre étude fait, elle aussi, la Une de très nombreux quotidiens depuis quelques jours. Là encore, l'avertissement résonne de manière effrayante : Il y est écrit que nous sommes entrés dans l’ère de « l’anéantissement biologique ». Publiée lundi dans la revue scientifique PROCEEDINGS OF THE NATIONAL ACADEMY OF SCIENCES, cette étude réalisée par des chercheurs mexicains et américains dresse un constat sans appel : selon elle, la disparition des espèces vertébrées dans les dernières décennies est telle, qu’elle s’apparente à une extinction de masse, un « anéantissement biologique ». Evidemment, « ce terme serait alarmiste si nous n’avions pas les données », se justifie aussitôt l'un des chercheurs dans les colonnes de THE ATLANTIC. L’étude montre, en particulier, que l’ensemble des 177 espèces de mammifères étudiées ont perdu au moins 30 % de leur territoire entre 1900 et 2015 et que plus de 40 % d’entre elles ont connu une forte baisse de population. Mais surtout, elle met l’accent sur le fait que des espèces qui ne sont pas considérées comme en danger voient, elles aussi, leur population diminuer.
Quelles sont les causes de ce déclin ? Il y a bien sûr la dégradation de l’habitat, due à l’agriculture et à la déforestation (c'est-à-dire l'activité humaine) mais aussi la surpopulation (qui elle-même engendre cette suractivité humaine). Quoi qu'il en soit, quand on réalise que nous avons éliminé 50 % de la faune terrestre dans les 40 dernières années, il n’est pas difficile de comprendre qui si on continue de la diviser par deux tous les 40 ans, il n’y aura bientôt plus rien. Face à l’urgence de la situation, les chercheurs donnent deux ou trois décennies, seulement, pour enrayer la tendance. Au risque de déstabiliser l’ensemble de la planète.
Enfin je terminerai avec une ultime étude à même, peut-être, de nous rassurer cette fois-ci sur les raisons que nous avons, malgré tout, de rester optimistes. Pour la première fois, raconte ce matin LE TEMPS, une expérience réalisée par des chercheurs américains allemands et suisses confirme, par imagerie cérébrale, que la générosité et le sentiment de bonheur sont bien associés dans le cerveau. Bien évidemment cette idée va à l’encontre de la pensée dominante en économie, selon laquelle tout comportement généreux représente un coût pour l’individu (puisqu'il dépense ses ressources pour les autres) alors que la poursuite du bonheur est considérée comme la recherche d’un gain. Mais, dès-lors, si aider les autres nous rend tout simplement heureux, pourquoi ne pas imaginer qu'aider la planète modulerait, aussi, avantageusement notre sensation de bonheur ?
Par Thomas CLUZEL